• Capitalisme et épidémies : comprendre les liens

     

    Capitalisme et épidémies : comprendre les liensL’accélération des épidémies dans le monde dans les deux dernières décennies.

    Pour s’en tenir au seul 20ième siècle, on n’a dénombré que trois grandes épidémies meurtrières jusqu’en l’an 2000 : la grippe espagnole en 1918-19 (40 millions de morts), la grippe dite asiatique en 1957, celle de Hong-Kong en 1968.

    Pourtant, depuis le début des années 2000, le rythme apparition des épidémies s’est soudainement accéléré : SRAS en 2003, H1N1 en 2009, Ebola en 2014/2015, Zika en 2016, Covid19 en 2020. Toutes les raisons de cette accélération sont à rechercher dans la mondialisation chère au capitalisme.

    Les responsabilités du capitalisme dans les désastres sanitaires

    Elles sont multiples :

    A la base de tout, figurent deux aspects concomitants : l’intensification de l’élevage, et la destruction de la biodiversité.

    La plupart des virus se transmettent de l’animal à l’état sauvage (rongeurs principalement, chauve-souris, moustiques) à l’homme en passant par l’animal domestique. La destruction de la biodiversité et la déforestation ont plusieurs conséquences :

    • La disparition d’espèces prédatrices, qui avaient un effet régulateur en tuant des proies infectées
    • De ce fait, la population des espèces potentiellement vecteurs de virus croit et, son habitat naturel étant perturbé par l’activité humaine, elle tend à se rapprocher de l’Homme, pour rechercher sa nourriture par exemple, et surtout se rapprocher des espèces animales domestiques, en particulier d’élevage. Ces migrations des espèces animales sont également favorisées par le dérèglement climatique.
    •  Les espèces domestiques étant également concentrées par l’intensification de l’élevage, le virus se propage d’autant plus facilement à l’homme, plus par les excréments par ailleurs que par la viande.

    Par ailleurs, le réchauffement climatique induit une autre menace dans les régions où le sol est gelé en permanence : le pergélisol. Celui-ci fond progressivement, libérant du méthane, mais également des germes pathogènes, parfois de grande ancienneté, mais prêts, si l’on peut dire, à reprendre du service. Dans le grand nord russe, l’anthrax, ou maladie du charbon, maladie qui avait disparu depuis 75 ans, a refait surface : elle a décimé les troupeaux de rennes et fait des victimes humaines. Cet épisode est également un avertissement de ce qui nous attend, et auquel on doit se préparer   (Lire cet article sur l'origine de la grande peste en 1348).

    Ajoutons à cela que la population mondiale augmente, mais que sa concentration dans les grands centres urbains augment encore plus vite, souvent dans des conditions d’hygiène et de surpopulation telles que les virus y trouvent un terreau fertile. En Amérique latine, 1/5 de la population vit dans des bidonvilles

    Enfin, la propagation des virus est favorisée par la mondialisation des échanges, non seulement de marchandises (un des vecteurs de la transmission du sida) mais surtout des êtres humains : le trafic aérien a plus que doublé entre 1981 et 2006. En 2020, on enregistre dans le monde un décollage ET un atterrissage toutes les secondes. Dans l’histoire, « les mondialisations » (car ce n’est pas la première que nous vivons) ont toujours provoqué des épidémies dévastatrices : il suffit de remonter à la période des « grandes découvertes » et de la colonisation de l’Amérique du Sud qui a décimé les populations autochtones, autant par le fer que par la variole et la syphilis.

    Notons qu’avec les risques de submersion de terres habitées ou habitables, la tendance à l’hyper-concentration humaine ne risque pas de s’inverser.

    On voit donc que si le virus est évidemment « naturel », sa propagation rapide est, elle, un pur produit du libéralisme, phase ultime du capitalisme, qui se nourrit de mondialisation, intensification des productions, destruction des ressources naturelles, tant minérales que végétales, qui induisent elles-mêmes pollutions et effets climatiques indésirables.

    La pandémie actuelle, comme celles qui ne manqueront pas d’arriver à l’avenir si nous ne faisons rien, n’est donc pas « la faute à pas de chance » mais est une conséquence directe de l’expansion sans frein de l’idéologie libérale.

    En France et dans les pays d’idéologie libérale, l’impréparation est-elle due à l’incompétence des gouvernements ?

    Non. Soyons clairs là-dessus, dans nos paroles et nos écrits. Nos gouvernements ne sont pas incompétents. Ils sont au contraire au summum de leur capacité pour répondre aux exigences du grand capital dont ils ne sont que les valets. C’est une deuxième erreur de croire ou faire croire que nos gouvernements dirigent : ils ne sont que les exécuteurs des basses œuvres du patronat.

    On peut discuter sur le point de départ des politiques que nous connaissons aujourd’hui. Peut-être, si on se base sur ce qui a enclenché les politiques de destructions des services publics, sous couvert d’économies budgétaires, peut-on remonter au blocage des salaires des années Delors. Cela n’a guère d’importance. L’essentiel étant qu’aucun des gouvernements qui se sont succédés n’est innocent dans ce domaine.

    Pas d’impréparation donc mais un pari risqué, qui a pété au nez de ce gouvernement : le pari qu’une pandémie d’importance mondiale, et qui atteindrait la France (car d’autres sont restées cloisonnées, soit à l’Afrique, soit à l’Asie) n’arriverait pas. Ce qui autorisait à vendre les stocks de masques, à vendre les entreprises stratégiques à des fonds de pension (chloroquine, bouteilles d’oxygène, masques), sans parler évidemment des suppressions de postes dans les hôpitaux, les fermetures de services d’urgence et de lits de réanimation.

    À ce niveau, ce n’est donc pas de l’impréparation ou de l’incompétence, comme on le lit trop souvent, y compris dans nos rangs, mais un crime. On n’ira pas jusqu’à dire « organisé » mais au moins « accepté ».

    La volonté du patronat

    Bien entendu, les entreprises pâtissent, et vont pâtir de la crise sanitaire, mais pas toutes de la même façon, on s’en doute. Celles qui vont payer le prix fort sont les TPE et PME dont plusieurs risquent de mettre la clé sous la porte.

    Le grand patronat et les entreprises du Cac40 entendent profiter de cette crise pour mettre à bas les quelques conquis sociaux qui nous restent : congés payés, temps de travail ; et continuer à détruire notre modèle social hérité du CNR. Par exemple, cela fait 20 ans qu’Axa est en embuscade pour se saisir de la Sécurité Sociale – une entreprise dont les frais de fonctionnement ne représentent que 2,5% du budget, un modèle du genre pour les capitalistes ! –  et la transformer en Assurance Santé comme l’ont été les « mutuelles ».

    Les derniers discours de Geoffroy Roux de Bézieux sont clairs à ce sujet : la sortie de crise sera très difficile pour le monde du travail. Le patronat espère réitérer « la bataille du charbon » de 1946, avec à l’époque le concours des ministres PCF. Aujourd’hui, l’union nationale n’apparait plus possible, alors que même la CFDT parait vent debout contre ces attaques, mais notre méfiance doit rester aux aguets.

    La sortie de crise sera aussi difficile pour les TPE/PME, car les entreprises du CAC40 n’ont aucunement l’intention de les aider. Bien au contraire. La crise du covid19 aura joué pour le grand patronat le rôle de « régulateur du marché » qui n’est pas pour lui déplaire. Moins de concurrence c’est toujours bon à prendre. Cela promet des centaines de milliers de mise au chômage dans les mois qui viennent.

    Le dilemme du gouvernement

    Le gouvernement devra jouer son rôle de défenseur des intérêts patronaux, puisqu’il est là pour ça. Mais alors que jusqu’à maintenant, il menait les attaques contre les conquis sociaux de manière brutale et sans se cacher (gilets jaunes, mouvements syndicaux des personnels hospitaliers, pompiers), il ne peut plus le faire cette fois car il sait que la colère risque d’exploser à la sortie du confinement, une fois apaisées les peurs, les angoisses et les frustrations. Cette colère sera d’autant plus forte que le sentiment d’incompétence (rappelons-le : perçu comme tel) et de navigation à vue, ainsi que la certitude que les morts auraient pu être évitées, est très partagé.

     Le gouvernement en est donc réduit, hormis les discours lénifiants aux accents gaulliens voire de gauche, à promettre des primes au personnel soignant, ainsi que des miettes aux « plus démunis », afin de tenter, comme d’habitude, de diviser pour ne pas avoir à affronter des classes laborieuses unies. Vieille tactique Napoléonienne.

    La ligne de conduite actuelle du gouvernement, consistant à repousser ad-aeternam la sortie du confinement, est une sublime illustration de la contradiction dans laquelle il est enfermé : puisque l’on ne dispose pas des outils pour vacciner, traiter, soigner, et que l’on n’a aucune intention réelle de tenir les promesses de relocaliser les industries du médicament, rouvrir les usines de masques ou de bouteilles d’O2, il faut faire croire que l’on n’en a pas besoin, et miser sur une immunisation naturelle, qui semble acquise lorsque 60% de la population a été infectée. Il faut donc confiner jusqu’à ce que nos maigres capacités en réanimation soient à nouveau libres pour accueillir une nouvelle vague inéluctable.

    De notre point de vue de classe, s’il n’est pas erroné de réclamer des « mesures sanitaires pour tous et toutes à la sortie du confinement », c’est néanmoins une revendication bien faible. Le principal étant de remettre en cause le fonctionnement capitaliste, en argumentant sur le nécessaire financement d’un « renouveau du modèle sanitaire et social », renouveau dont l’idée fait son chemin depuis le début de la crise, sur les réseaux sociaux notamment.

    Car bien entendu, aucune des promesses gouvernementales, ainsi d’ailleurs qu’aucun euro des dépenses engagées d’urgence pendant la crise, ne sont financé-e-s : Il espère bien, comme le patronat, « socialiser » ces dépenses, c’est-à-dire nous les faire payer.

    Penser, malheureusement, comme beaucoup de Gilets Jaunes, que Macron est le seul responsable et se contenter de réclamer démission ne sert strictement à rien, si l’on ne voit pas les vrais responsables derrière Macron.

    L’heure est donc à comprendre comment le capitalisme exerce son emprise sur le monde, à imaginer les solutions à mettre en œuvre pour s’en libérer.

    Ceci fera l’objet d’un autre article, très bientôt !

    « Non, monsieur Darmanin, ce n'est pas à nous de payer !"Plus jamais ça !" : des propositions pour y parvenir »

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  • Commentaires

    1
    John Barzman
    Dimanche 3 Mai 2020 à 12:17

    Immunité au COVID19: duirable et complète après la maladie

    Un article qui semble fiable, écrit par Gary Dagorn, contribueteur à Les décodeurs du Mande, transmis par Laurent Zappi  via laurent.zappi@fsu.fr

    https://v4.simplesite.com/#/pages/445951118?editmode=true#section_08fa50c1-1ec3-4e9e-80d9-ddf35a591a2a

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