• Le ballon d’essai de Monsieur Hirsch

    Une provocation de Martin Hirsch, qui met en cause le droit pour chacun d'avoir accès aux soins, et s'attaque au principe de la Sécurité sociale

     

    Le ballon d’essai de Monsieur Hirsch

      Martin Hirsch, Directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris a lancé une provocation dans une tribune parue dans le Monde du 25 janvier :

    “Est-il logique de bénéficier des soins gratuits quand on a refusé pour soi la vaccination gratuite et qu’on met doublement en danger les autres, en pouvant les contaminer et en pouvant prendre une place en soins intensifs nécessaire pour un autre patient ?”.

    Monsieur Hirsch embraye sur la tentative de faire des personnes non vaccinées les boucs émissaires de la suppression continue des lits d’hospitalisations depuis 20 ans. « Entre 2000 et 2020, les établissements médicaux publics français ont en effet perdu 79 896 lits d’hospitalisation, soit un cinquième de leur capacité d’accueil, selon les données de la Drees, le service statistique du ministère de la Santé. »[1] L’apparition de la pandémie due au COVID n'a pas mis un terme à cette politique destructrice : 5768 lits ont été fermés en 2020, même si le nombre de lits en réanimation a augmenté. Mais les conditions de travail dégradées, les salaires peu élevés, conduisent à l’absentéisme et à l’absence de candidatures pour les offres de recrutement. Nombre de lits théoriquement disponibles sont en réalité fermés, faute de personnel. Selon Jean-François Delfraissy et le Conseil scientifique, ce phénomène toucherait 20% des lits de CHU et de CHR. La pandémie rend particulièrement aigüe la crise mais elle n’en est pas à l’origine.

    La situation dramatique des hôpitaux conduit à reporter des soins, des examens « non urgents », mais ces reports ne sont pas sans conséquence sur les évolutions des pathologies ; les médecins se trouvent confrontés à faire des « tris » entre des personnes qui ont les unes et les autres besoin de soins, parfois vitaux. André Grimaldi, professeur du CHU Pitié-Salpêtrière à Paris, a proposé dans une tribune "conseiller systématiquement à toute personne adulte refusant de se faire vacciner de rédiger des directives anticipées pour dire si elle souhaite ou non être réanimée". Les soignants contraints de faire des choix impensables n’ont aucune prise sur les véritables solutions, qui sont ailleurs.

    Le propos de Monsieur Hirsch est tout autre : il veut faire payer les personnes non vaccinées. Si la crainte de la maladie ne les a pas convaincues de se faire vacciner, ce n’est pas d’avoir à assumer les frais de leur passage aux urgences qui va les faire changer d’avis, ni faire avancer le problème d’une quelconque façon.

    Ce « ballon d’essai », non pas d’un homme politique mais d’un fonctionnaire tenu au devoir de réserve, n’a guère rencontré d’écho favorable, ni dans la classe politique, ni auprès des médecins. Ils ont été nombreux à s’indigner, à l’instar de Gilles Pialoux, infectiologue à l'AP-HP qui a estimé sur LCI qu'"on ne peut pas créer un cadre éthique spécial". "Ce qui s'appliquerait selon cette logique au Covid pourrait très bien s'appliquer au cancer du poumon chez ceux qui continuent de fumer", a-t-il souligné. Et d'ajouter : "C'est une digue éthique, évidemment, on soigne ceux qui ont pris des risques".[2]

    Mais il est une autre expression dans la prise de position de Martin Hirsch qui pose problème : la notion de « soins gratuits ». Non les soins ne sont pas gratuits, ils sont facturés et remboursés par l’assurance maladie, financée par les cotisations versées sur les salaires et la CSG : à ce titre tous les patients bénéficient de la prise en charge collective à laquelle ils ont contribué. De quel droit les en priver ? Car si on conditionne le droit au remboursement au risque pris, cela peut aller très loin : toutes les addictions, les régimes alimentaires inadaptés, les voyages susceptibles de faire contracter des maladies tropicales, les pratiques sportives à risques et d’autres encore….

    D’autres motifs de restreindre le remboursement en le liant à la conduite des patients, Martin Hirsch en invente d’autres, le 27 janvier dans une émission sur France5 : « "Si on reconnait qu'un système de dépistage doit être fait tous les ans, est ce qu'on doit avoir exactement la même protection et le même taux de remboursement si on le néglige, que quelqu'un qui ne le néglige pas ? »

    Le ballon d’essai de Monsieur Hirsch n’est pas anodin. Il commence à faire entendre une « petite musique », en jouant sur la stigmatisation des personnes non vaccinées, et cette petite musique, c’est celle des assurances privées. Leur logique est d’individualiser les risques, et de limiter autant que possible les remboursements, de soumettre ceux-ci à des conditionnalités souvent génératrices d’injustice. Depuis la mise en place de la Sécurité sociale en 1945, le capitalisme ronge son frein devant ces masses financières qui lui échappe et attend l’occasion favorable pour mettre la main dessus. Un second quinquennat de Macron serait le bon moment. Encore faut-il préparer les esprits, toujours attachés à cette grande conquête sociale, malgré les déremboursements et les dépassements d’honoraires qui en limitent la portée. Monsieur Hirsch s’y emploie. Restons vigilants.

     

     

     

     

     



    [1] Alternatives économiques « Combien de lits sont réellement fermés à l’hôpital ? »17 novembre 2021 https://www.alternatives-economiques.fr/combien-de-lits-reellement-fermes-a-lhopital/00101117 

     

    [2] https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/covid-19-faut-il-faire-payer-les-soins-hospitaliers-aux-non-vaccines-martin-hirsch-provoque-une-polemique-de3f8304c617f4307a9dc33eaabee65f

     

     

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