• Islamo-gauchisme, Unef : des attaques graves et inacceptables

     

    Le contexte : une gestion de crise sanitaire désastreuse

    Comme la plupart d’entre nous, le gouvernement ne sait strictement rien sur le virus et prend des décisions à tâtons, au jour le jour, en suivant les directives hasardeuses d’un « conseil de défense », sans jamais prendre l’avis du parlement, des élus, des citoyen-ne-s.

    Son seul fil conducteur est de préserver l’ordre économique capitaliste : hors de question de libérer les brevets des vaccins pour en faire un bien public ; Les grandes envolées lyriques du premier confinement sont oubliées, la promesse des 10 000 lits pérennes de réanimation envolée, on commence tout juste aujourd’hui, dans l’urgence, à former des soignants à la réanimation en deux jours ! Quant à la promesse de « recouvrer l’indépendance » on voit ce que cela donne : jamais la France et l’Europe n’ont été aussi dépendantes au niveau des vaccins !

    Pour naviguer ainsi à vue en préservant les intérêts capitalistes tout en n’exaspérant pas trop Billancourt, le gouvernement utilise deux expédients :

     

    Le premier, laisser filer la dette pour atténuer les effets de la crise sur la classe ouvrière. Pour nous « aider », il nous emprunte notre argent via les banques qui le détiennent, sachant que cette dette sera remboursée... par nous !

    Le second : faire diversion en surfant sur les peurs, tout en essayant que ces diversions soient utiles pour la suite ! La loi de sécurité globale, celle sur le séparatisme font partie de cet arsenal. Mettre l’accent sur la nécessité d’une police forte et respectée (à défaut d’être totalement respectable) en période d’attentats, stigmatiser des communautés, cela peut recueillir l’assentiment d’une grande partie de la population qui vit dans le manque d’information objective et la peur, et la détourner des réels problèmes. C’est un ressort bien connu et déjà maintes fois utilisé.

    L’islamo-gauchisme, un délire ministériel bien utile

    Dans ce contexte, les accusations « d’islamo-gauchisme » contre les enseignants et enseignants-chercheurs préparent le terrain à des attaques de plus grand ampleur contre  la liberté académique et l’enseignement supérieur public, déjà mise à mal depuis de nombreuses années par les coupes budgétaires, la loi d’autonomie, l’absence de création de postes alors que le nombre d’étudiants explose, les contrats de mission qui rendent difficile la recherche fondamentale, etc... Les politiques d’austérité et de mise en dépendance face aux grandes entreprises et regroupement d’entreprises moyennes ont mis l’université en crise, détourné des centaines de milliers de jeunes. L’épidémie de la COVID a fait ressortir les terribles inégalités qu’elles ont produites. Présenter les universités en repaires de sympathisants de violence comme celles qui ont frappé l’enseignant Samuel Paty vise à cacher l’immense solidarité dont celui-ci a été l’objet dans les universités, et à détourner l’attention de la crise grave de l’enseignement supérieur.

    Rappelons qu’ « islamo-gauchisme »est un néologisme destiné à inventer une proximité, voire une complicité, entre tous les partis de gauche (pas seulement ceux qui sont dits « ultra-gauche »), syndicats, associations, municipalités, et les terroristes islamistes. C’est donc loin d’être une simple expression, c’est une accusation grave. En accusant les milieux universitaires d’islamo-gauchisme, la ministre Frédérique Vidal a ouvert une boite de Pandore qu’elle n’a nulle intention de refermer. L’extrême-droite s’en est emparée pour clouer les universitaires au pilori sur internet. Voir illustration ci-dessous :

    Islamo-gauchisme, Unef : des attaques graves et inacceptables

    Le but de la manœuvre : jeter le discrédit sur l’université pour justifier de nouvelles coupes sombres dans les budgets, la réduction drastique des cours en présentiel au profit des cours à distance, en vidéo, l’abandon de filières et recherches jugées non immédiatement rentables, un retour en arrière sur la démocratisation de l’enseignement supérieur...

    La « Dissolution de l’UNEF » : une pierre de plus à cet édifice de démolition, mais pas seulement !

    Le lecteur, la lectrice, nous pardonneront cet oxymore, mais il décrit tellement bien la situation !

    De quoi s’agit-il ?

    Des parlementaires de droite et du rassemblement national demandent la dissolution du syndicat étudiant, au prétexte que celui-ci organiserait des réunion internes « non-mixtes », dont « les blancs » seraient « exclus ». Aussitôt, la peste populiste crie haro sur le baudet : « communautarisme », « racisme anti-blanc » etc... Tout en faisant semblant d’ignorer que des réunions non-mixtes (terme générique) ont souvent été organisées par le passé, par de nombreux syndicats, associations, partis, à chaque fois qu’un groupe en leur sein se sentait victime d’une oppression spécifique, que ce soit dans la société en général, ou dans l’organisation en question. Les réunions du Mouvement de Libération des Femmes dans les années 70 étaient non mixtes, les femmes considérant avec juste raison que leur oppression spécifique ne pouvait être repérée, précisée et combattue que par des propositions émanant d’elles-mêmes, éventuellement reprises par des rassemblements plus larges. Plus simplement, les syndicats ouvriers n’ont jamais accueilli de patrons en leur sein, considérant que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. Parle-t-on de communautarisme là aussi ?

    Des réunions non-mixtes, que l’on parle de sexe, de couleur de peau, d’origine ou de situation de handicap, sont nécessaires lorsque des groupes sociaux, à l’intérieur d’une organisation, estiment nécessaires de se réunir afin de pouvoir s’exprimer librement sans contrainte ou jugement extérieur. C’est un front d’innovation où le mouvement social avance à tâtons, en prenant conscience lui-même des avantages et des inconvénients des procédures qu’il met à l’essai. C’est ainsi que l’on peut progresser dans la compréhension et la résolution des problèmes. Il n’y a là rien de communautariste !

    Le plus grave : un amendement à la loi « séparatisme », déposé par les sénateurs et sénatrices LR a été voté par une grande partie de la gauche ! Cet amendement, dénommé “amendement UNEF” prévoit la dissolution des associations qui organisent des réunions en non-mixité raciale, soit des groupes de paroles où des personnes s’expriment sur le racisme qu’elles vivent.

    C’est très grave ! Qu’une partie de la gauche l’ait voté est inadmissible. Les associations s’organisent de manière interne comme elles le souhaitent. Il en aurait été autrement bien sûr s’il s’agissait d’un appel à un meeting public excluant une partie de la population. Mais tel n’était pas le cas à l’UNEF, ni dans aucune association ou syndicat ayant pratiqué des groupes de paroles.

    Cet amendement ouvre la voie à la dissolution de n’importe quelle association, n’importe quel parti, uniquement sur la base de « on-dit » quant à leur fonctionnement interne.

    C’est une atteinte très grave à la démocratie.

    Ces attaques incessantes, répétées, sont inadmissibles. Dans l’immédiat, le soutien à l’UNEF, aux enseignants montrés du doigt comme « islamo-gauchistes » doit être sans faille et massif, inconditionnel, quels que soient les divergences de vues que l’on pourrait avoir par ailleurs.

    Il est temps de reconstruire une gauche avec des vraies valeurs, notamment sur une laïcité bien comprise, c’est-à-dire la liberté de croire ou ne pas croire, et de pouvoir exercer ce droit dans tout ou partie de la sphère privée et intime, incluant également le droit de s’habiller comme on le souhaite, de constituer des associations religieuses ou non-religieuses sans ingérence  de l’Etat. La laïcité, c’est un Etat et des services publics qui ne manifestent aucune préférence religieuse Rien d’autre.

    Comme toute forme d’oppression, le racisme se combat, et les personnes racisées victimes de cette oppression sont les mieux placées pour reconnaître ses manifestations et proposer des moyens de l’éliminer. Le « vivre ensemble » ne se décrète pas, il se gagne, il se vit. Jamais un oppresseur n’a décrété de son plein gré la fin d’une oppression. En cela, les groupes de paroles sont nécessaires, pour penser ensemble, puis échanger avec les autres, enfin agir avec tous.

    Il est temps que la gauche s’en souvienne et cesse de hurler avec les loups.

     

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