• ARMES NUCLEAIRES, UKRAINE : UN DEBAT INTERESSANT AU HAVRE - 5 MARS 2022

    ARMES NUCLEAIRES, UKRAINE : UN DEBAT INTERESSANT AU HAVRE - 5 MARS 2022

     

    Un débat intéressant a eu lieu, sous les auspices du Mouvement de la Paix du Havre, sur le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN). Il a porté sur la campagne internationale pour la signature de ce traité, notamment par la France, la politique militaire de la France et la faisabilité du désarmement unilatéral. Voir ENCADRE CI-DESSOUS pour l’argumentaire de J. Barzman, représentant Ensemble, en faveur du renoncement à la force de frappe.

     

    ARMES NUCLEAIRES, UKRAINE : UN DEBAT INTERESSANT AU HAVRE - 5 MARS 2022

    par JB et JPR

    Le collectif havrais du Mouvement de la Paix a tenu à permettre aux citoyen.nes de la région havraise de connaître les propositions de chaque candidat.e aux élections présidentielles en ce qui concerne le TIAN  (Traité sur l'interdiction des armes nucléaires) et les sujets connexes.

    Quatre candidats représentés

    Samedi matin 5 mars à la Maison des gens de mer, au centre du Havre, chaque candidat pouvait avoir à la tribune son représentant. En effet tous les candidats-tes ayant validé leurs 500 parrainages, avaient été invités. Marie-Claire Jegaden, Claude Nicolas et Nicolas Venault, présidaient la rencontre. Quatre candidats s’étaient faits représenter :

    - Fabien Roussel, du PCF, par Jean Paul Lecoq, député de la circonscription du Havre et membre de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale ;

    - Jean-Luc Mélenchon, de La France Insoumise-Union populaire, par Aurélien Sintoul, attaché parlementaire du député Bastien Lachaud, et contributeur important aux deux livrets « de la paix » et « de la défense nationale » de l’Avenir en commun de LFI, venu de Paris ;

    - Yannick Jadot, EELV, par Laurent Martin, récemment élu secrétaire d’EELV pour Le Havre Métropole Pays de Caux, en remplacement d’Alexis Deck ;

    - Nathalie Arthaud, Lutte ouvrière, par Barbara Helly, enseignante-chercheuse au Havre.

    Les camarades de Philippe Poutou (NPA), s’excusaient d’être empêchés par un dernier effort, réussi, pour atteindre les 500 parrainages.

    Convergences et divergences

    Malgré un accord assez général que la France doit signer le TIAN, aucun des trois candidats principaux (Lutte ouvrière ne répondant pas vraiment à la question), n'envisageait qu’elle abandonne unilatéralement sa force nucléaire. Jean Paul Lecoq, profitant de son expérience à la Commission, rappela le coût énorme de ladite force « de dissuasion ». Il s’est souvent chargé de l’information sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Dans ce cadre il a visité les responsables des huit pays qui possèdent la « Bombe » (les cinq membres actuels du Conseil de Sécurité de l’ONU, Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume Uni et France, et les trois « petits » Inde, Pakistan, Israël). Il indiqua par exemple que le Pakistan serait prêt à abandonner sa force nucléaire si l’Inde en faisait autant.

    Aurélien Sintoul détailla l’évolution de la position de France Insoumise et de Mélenchon sur le sujet. La France, dit-il, a déjà renoncé aux armes nucléaires terrestres (fermeture du plateau d’Albion), et Mélenchon souhaite qu’elle renonce aussi aux aériennes (missiles tirés à partir de bombardiers), mais qu’elle conserve ses sous-marins tireurs de bombes nucléaires pour dix ans, afin d’assurer sa puissance, sa souveraineté, son rôle dans le monde et, bien sûr, son indépendance et son « non-alignement » s’il est élu président. Cependant, il s’inquiète de l’obsolescence prévisible des sous-marins français, visibles sous la mer par satellite ou avion interposé. Il propose donc un vaste programme de nouvelle force de dissuasion française basée sur la cyber-défense et les armes spatiales, qui permettrait de ne plus entretenir la force nucléaire. Cette position de Mélenchon et Lachaud en faveur du renforcement de la puissance française par le développement de la cyber-défense et l’investissement dans l’espace militaire, avait déjà été présentée devant le patronat dans Usine Nouvelle le 15 février 2022, sous couvert d’entretenir une force de dissuasion vieillissante grâce aux industries française (https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-jean-luc-melenchon-remet-en-cause-la-dissuasion-nucleaire-pilier-de-la-defense-francaise.N1783117).

    De ce que déclara Laurent Martin, EELV, on retiendra que le candidat Jadot a changé de position sur le budget militaire et les alliances (OTAN), tournant qui n’est pas forcément soutenu par le parti EELV, ou par son porte-parole présent ce samedi.

    Pour la porte-parole de LO, toute discussion de défense nationale et de désarmement est inutile, car seule la révolution prolétarienne (comme en 1917, pendant la Première Guerre mondiale) mettra fin au capitalisme porteur de guerre. Aurélien Sintoul (LFI) lui répondit que sa critique était attendue et connue, puisque lui représentait « les élections », et qu’elle représentait « la révolution ». Vaste débat qui fut jugé en dehors du cadre de la réunion.

    Désarmement unilatéral

    Après le tour de table, seul John Barzman, à qui la présidence avait permis de s’exprimer pour ENSEMBLE !, défendit l’intérêt pour la France d’arrêter de dépenser des sommes considérables pour des armes nucléaires, au détriment des écoles, des hôpitaux et autres services publics, en réclamant le privilège d’une force de frappe nucléaire française alors que d’autres pays y renoncent ou ne l’ont pas. (Voir l’encadré ci-dessous pour un résumé de son argumentaire.) Il rappela que c’était la position que défendit en 1971 Georges Marchais. Dans la discussion, JF Quéron, un animateur de LFI au Havre, déclara qu’il n’était pas d’accord avec ce qu’Aurélien Sintoul avait avancé sur la force de dissuasion française, car favorable à son élimination immédiate.

    Ukraine

    Bien sûr le danger que représente l’offensive militaire ordonnée par Poutine en Ukraine fut évoquée. Le représentant d’EELV se montra le plus favorable à un soutien militaire massif de la France et de l’OTAN à l’Ukraine, tout en reconnaissant qu’il se sentait un peu loin de ses origines pacifistes. Les responsables du Mouvement de la Paix défendirent l’idée qu’à l’heure actuelle, il faut rechercher la négociation et non ajouter de la guerre à la guerre. Sur l’utilité de l’Otan dans l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France insoumise et le Parti communiste pensent que cette alliance aurait dû être dissoute en 1991, et qu’elle est aujourd’hui obsolète et nuisible. René Bodineau, de la Ligue des Droits de l'Homme du Havre, fit remarquer que même si la France se retirait de l'OTAN, celle-ci continuerait d'exister. Et  que la souveraineté des Etats existants, signifie qu'une majorité élue peut choisir de faire adhérer son pays à cet OTAN. Dans la salle Jacques Lecronc réclama que le Droit international s’impose aussi en Palestine, au Sahara occidental et à Mayotte. Plusieurs personnes approuvèrent la demande que les réfugiés soient accueillis et traités également quelle que soit leur couleur. Le porte-parole d’Ensemble ! dit que l’Ukraine avait eu raison de renoncer à la bombe atomique en 1993, et que cela renforçait la solidarité avec ce pays aujourd’hui.

    ============================================================================================

    Intervention du porte-parole d’Ensemble ! à la table ronde du Mouvement de la Paix,

    5 mars 2022, au Havre (légèrement remaniée)

    Il a constaté qu’il existait un large accord entre les candidats de gauche représentés sur des questions essentielles comme le TIAN, et qu’il espérait que le rassemblement aux présidentielles et aux législatives se ferait dans le respect de chaque courant.

    Mais il a concentré son attention sur la question du désarmement nucléaire inconditionnel de la France, qui devrait suivre immédiatement la signature de l’accord TIAN, dit « unilatéral ». En renonçant la première, parmi les grandes puissances, à cette arme, la France se montrerait digne de son passé et de son peuple, porteur d’avancées humanistes, et son geste susciterait une adhésion massive à travers le monde. C’est ce que le PCF avait pressenti en 1971, quand il écrivit :

    « 3) Cessant définitivement toute expérimentation des armements nucléaires, [le gouvernement] mettra un terme à leur fabrication et entreprendra la liquidation des stocks existants. Le potentiel scientifique et technique et les énormes ressources jusque là stérilisées dans cette entreprise de ruine et de mort seront orientées vers les œuvres de paix et de progrès. » (p. 221, Changer de cap. Programme pour un gouvernement démocratique d’union populaire (Introduction de Georges Marchais), Editions sociales 1971. »

    Parmi les nombreux arguments en ce sens, J. Barzman en choisit deux :

    1° Le démantèlement immédiat de ladite force de dissuasion nucléaire permettrait au nouveau gouvernement d’orienter sans attendre des sommes budgétaires considérables économisées vers les besoins humains, tels que l’éducation, la santé, les services  publics (« Des écoles, des hôpitaux, pas des bombes ! »).

    2° La France renoncerait à son privilège de grande puissance impériale, héritière d’une force militaire et d’un domaine colonial et maritime, comprenant l’arme nucléaire. Elle accepterait ainsi de s’appliquer à elle-même le principe de la Charte des Nations Unies que toutes les nations sont égales. Elle suivrait l’exemple de l’Afrique du Sud, en 1993, alors que Nelson Mandela s'apprêtait à prendre le pouvoir, et de l’Ukraine en 1993, deux nations de taille moyenne qui ont renoncé à cette technologie meurtrière, et pourrait donc porter, sans réserve, fièrement, le drapeau de l’amitié entre les peuples égaux et de la paix.

    Dans le débat qui suivit, Aurélien Sintoul laissa entendre que beaucoup de gens pensaient que l’Ukraine avait eu tort de renoncer aux armes nucléaires en 1993, en échange d’une promesse de la Russie de ne pas l’attaquer. J. Barzman revint sur cette question à la fin du débat avec l’exemple de l’Ukraine et de Cuba. L’Ukraine susciterait bien moins de soutiens solidaires dans sa propre population, chez les Russes et dans le monde, si elle avait conservé ses armes atomiques.

    Quant à Cuba, elle a renoncé au déploiement de missiles nucléaires en 1962, en accord avec le dirigeant soviétique de l’époque, Nikita Khroutchev, homme responsable, en échange d’une promesse que les Etats-Unis n’envahirait pas l’île. Cette promesse a tenu pour diverses raisons jusqu’à la désintégration de l’URSS. Ce qui est surprenant, c’est qu’elle soit restée efficace pendant au moins trente ans après, alors que Eltsyne et Poutine n’avait aucune sympathie pour Castro et ses successeurs. Pourquoi ? Parce que Cuba était mieux protégée par la solidarité internationale que par la bombe atomique : adelphité (« fraternité » et « sororité ») des nations latino-américaines à l’égard du « premier territoire libre des Amériques », missions de médecins volontaires cubains gratuits vers les pays sous-développés, échanges commerciaux, culturels, scientifiques malgré le blocus avec de nombreux pays du monde, sympathie pour la capacité de ce peuple à tenir tête à l’impérialisme le plus puissant et pour ses réalisations sociales (éducation, santé, sports) malgré les difficultés.

    C’est un modèle qu’il faut suivre. Basons notre défense sur l’amitié entre les peuples, la solidarité internationale et la paix.

    « Communiqué: Halte à l'agression russe contre l'Ukraine. Solidarité avec le peuple ukrainien. (Ensemble)!Présidentielles 2022 - campagne indépendante d'Ensemble ! pour le vote "Union Populaire" »

    Tags Tags : , , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    3
    André Rosevègue
    Mardi 8 Mars 2022 à 16:04

    Merci pour cette intervention de John. Personne n'a jamais pu m'expliquer comment un gouvernement représentatif d'un peuple (et non de sa bourgeoisie) pourrait vouloir utiliser contre un ennemi l'arme nucléaire qui ne pourrait par définition que toucher un autre peuple et pour longtemps, et mettre son propre peuple en danger.

    La France est dans l'illégalité en poursuivant la modernisation de sa force nucléaire en dépit du traité signé qui l'interdit. C'est l'illusion de l'emploi induit par cette modernisation qui empêche le mouvement ouvrier de se mobiliser pour le désarmement nucléaire unilatéral : les économies réalisées permettraient la création d'emplois ayant du sens.

    Dans la solidarité à apporter au peuple ukrainien, on voit bien que la force de frappe ne peut servir à rien.

    André, ex havrais (1950-1977)

     

    2
    Mardi 8 Mars 2022 à 09:00

    Cher Alain Cantais, Salut. J'espère que tu as compris que la conclusion est celle de John, moi-même, qui agissait comme porte-parole d'Ensemble, et non de l'assemblée, qui avait sans doute de la sympathie pour ces paroles, mais dont la position moyenne officielle est bien en retrait.

     

    1
    Cantais Alain
    Lundi 7 Mars 2022 à 20:28

    Bravo au mouvement de la Paix d'avoir organisé ce débat qui semble t-il était de qualité et merci de nous avoir fait le résumé de cette soirée. J'adhère volontiers à sa conclusion "Basons notre défense sur l’amitié entre les peuples, la solidarité internationale et la paix".Voilà enfin un sujet intéressant et fondamental pour alimenter le débat des présidentielles. Pacifiquement Alain 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :