• Après "La Sociale" : quelle Sécurité Sociale ?

    Après "La Sociale" : quelle Sécurité Sociale ?S'il est une leçon a retenir du film de Gilles PERRET, projeté jeudi dernier au Sirius devant une salle pleine, c'est qu'un peuple combatif, mobilisé derrière des syndicats et des partis ouvriers puissants peut renverser des montagnes ! Même dans un pays en ruine.

    Partant d'une ordonnance, d'une idée, c'est en 7 mois que, sous l'impulsion d'Ambroise Croizat, le peuple français a construit la "Sécu", en créant partout où il n'y avait rien, en agglomérant et harmonisant les diverses caisses de secours mutuels qui pouvaient déjà exister dans certains secteurs, en retirant au patronat discrédité par la collaboration les quelques caisses d'aumône grâce auxquelles il tentait de maintenir les ouvrières et ouvriers sous sa coupe.

    Certes, la manière dont le peuple s'est emparé de la Sécu, en a pris la direction, n'a évidemment pas plu à tout le monde ! Et le patronat n'a eu de cesse d'en reprendre le contrôle, même si jusqu'à maintenant, il n'a pas oser la détruire entièrement.

    Le premier coup est arrivé en 1967, lorsque les ordonnances "Jeanneney" du 21 août ont partagé le bel édifice en 4 branches, en instaurant le "partage des risques", et surtout en imposant le paritarisme entre organisations patronales et organisations de salarié-e-s qui, de fait, a donné le pouvoir au patronat.

    Le second coup, plus grave encore, date de 1996, lorsque Juppé a décidé d'avoir recours aux prêteurs privés pour abonder le budget de la Sécu, au lieu de recourir à une augmentation des cotisations. C'était faire rentrer le loup dans la bergerie, et cela donne aujourd'hui des hôpitaux construits "gratuitement" par les grosses entreprises du BTP, qui se foutent bien de la santé comme d'une guigne, et qui réclament en échange des loyers exorbitants pendant des décennies. Détentrices également des contrats de maintenance, ces entreprises surfacturent les réparations et les dépenses d'entretien, ponctionnant ainsi sans vergogne l'argent public, le fruit de nos cotisations, notre salaire socialisé ! Inutile de citer l'exemple des maisons de retraite, et des différences de "standing" entre les maisons de retraite privées, pour ceux et celles qui peuvent aligner au moins 3000 euros par mois, et les maisons de retraites publiques, victimes elles aussi des cures austéritaires.

    Mais ce n'est pas fini : la prochaine étape, c'est la privatisation pure et simple. Fillon l'a annoncée et s'il est élu, il la fera ! Il ne faut surtout pas croire les reculs dont la presse se fait l'écho depuis la primaire de la droite : ce ne sont que des mots, l'entourage de Fillon lui ayant fait remarquer que 80% des Français étaient encore attachés au principe de la Sécurité Sociale, et qu'il risquait de perdre des voix, y compris dans son électorat, en adoptant un discours trop estampillé "droite libérale décomplexée".

    Cela fait une bonne décennie - entrecoupée de périodes où elle s'est faite plus discrète - qu'Axa lorgne sur la sécu et surtout sur les profits qu'elle pourrait en tirer. Il faut dire que le management de la Sécu a bien changé : Même si elle continue à assurer la mission de service public pour laquelle elle a été crée, c'est aujourd'hui une entreprise gérée par objectifs :

    • objectif de réduction de la fraude, de préférence en s'attaquant aux petits fraudeurs du dimanche, qui ne représentent que 10% du montant de la fraude, plutôt qu'aux 90% dus à certaines professions de santé indélicates (médecins spécialistes - pas tous bien sûr - et patrons ambulanciers pour l'essentiel) 
    • objectif de réduction des frais de fonctionnement : cet objectif est obtenu avec des taux de remplacement de départs à la retraite scandaleusement bas : 1 remplacement pour 7 ou 8 départs ! Et l'on arrive à des frais de fonctionnement représentant 6% du budget (1,75% pour la branche maladie) au lieu des 20 à 25% des assurances privées !
    • objectif de résorption du "trou" de la branche maladie, qui, rappelons-le, n'existe pas réellement : le trou n'est entretenu que par des mouvements de fonds alimentant les avantages de certaines professions de santé et les entreprises pharmaceutiques. Si l'on arrêtait d'accorder des privilèges exorbitants aux médecins(1) ou aux pharmaciens(2),  et d'acheter aux magnats de l'industrie pharmaceutique des traitements à des prix de l'ordre de 50 à 100 fois leur coût de production, le trou deviendrait rapidement une montagne ! En attendant, on utilise l'argument du déficit pour rogner sur les prestations (sur la pharmacie, cela peut aller jusqu'à 50 euros par assuré et par an).

     

    On comprend qu'une telle entreprise, bien gérée du point de vue capitaliste, puisse attirer les convoitises !

    Alors ? hé bien, nous n'avons pas le choix : malgré ses défauts, il nous faudra encore défendre la Sécu, contre Fillon, contre les entreprises privées qui veulent la dépecer. Car l'idée essentielle de la Sécurité Sociale, c'est la solidarité. C'est la socialisation des cotisations, seule possibilité pour que n'importe qui, même le plus pauvre d'entre nous, puisse être soigné convenablement. Car même calculée au plus juste prix, une intervention même bénigne a un prix, que beaucoup d'entre nous serait bien incapable de payer. Qui sait par exemple qu'une intervention pour poser une prothèse de hanche revient à 18 000 euros ? Et pourtant il y en a 150 000 par an en France !

    La Sécu, c'est "cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins".

    L'assurance privée c'est "cotiser selon son risque, si on le peut, sinon, ne rien recevoir". L'exemple type de ce système profondément inégalitaire étant les Etats-Unis, système parfaitement décrit de main de maître par Michael MOORE dans son film de 2007, qui n'a pas pris une ride : "Sicko".

    Mais la Sécu de nos vœux va au delà de la sécu actuelle. Nos revendications pour une Sécurité Sociale telle que l'avait voulu le Conseil National de la Résistance dans son programme "les jours heureux" tiennent en 4 points :

    • Rendre la direction de la Sécurité Sociale au peuple, en finir avec le paritarisme.
    • La construction, la maintenance et la gestion des structures de santé doit être publique ! Il faudra dénoncer tous les contrats de partenariat public-privé qui n'alimentent que les comptes en banque des actionnaires, et non la recherche fondamentale en biologie et santé.
    • La santé doit être 100% solidaire : c'est à dire que la Sécurité Sociale devra reprendre toute la part de remboursements qui a été confiée au secteur mutualiste. Car malgré le mot "mutuel", les sommes que nous versons à ces organismes ne sont pas des cotisations proportionnelles aux salaires, mais des forfaits fixés par les conditions de gestion de ces organismes et par les risques encourus par chacun de nous individuellement. Il n'y a rien de mutuel là dedans, c'est au contraire une santé à la carte. Et cette carte est souvent trop chère pour beaucoup d'entre nous ; En janvier (certes avant l'instauration de la loi sur les mutuelles d'entreprise obligatoires) il y avait encore 5 millions de personnes en France qui n'avaient pas de mutuelle !
    • Fusion au sein d'un même organisme des 5 branches actuelles : maladie, accidents du travail/maladies professionnelles, retraite, famille et la branche recouvrement.

     

    Pour terminer cet article sur une note humoristique, citons Claude Reichman, que nous voyons apparaitre dans le film de Gilles PERRET, et qui milite pour la désaffiliation de la Sécurité Sociale : "la France est le troisième pays communiste qui reste, après Cuba et la Corée du Nord. Toute la France est communiste, la preuve : le Parti Communiste n'existe plus car on n'a plus besoin de lui ! ". Si nous n'avions en face de nous que des penseurs de cette trempe (de cette Trump ? ), à la pensée profonde et affutée, nous n'aurions pas grand chose à craindre ! Hélas nos ennemis ne sont pas tous rassis du bulbe comme celui-ci.

    De grands et difficiles combats sont encore devant nous !

    Après "La Sociale" : quelle Sécurité Sociale ?

    (1) exemples tirés de la nouvelle convention médicale 2016 de l'assurance maladie :

    - Deux nouveaux tarifs de consultation : la consultation "complexe" (première consultation de contraception, dépistage de MST ou les trois premiers examens obligatoires du nourrisson, par exemple), 42 euros; la consultation "très complexe" (information d'un patient face à un cancer ou une maladie neurologique, suivi d'un grand prématuré) 60 euros.

    - Dans la catégorie "favoriser l'accès aux soins", on pourrait attendre "création de pôles de santé dans tous les territoires mal pourvus" ou "embauches massives dans les services d'urgence" ? Hé bien non. Je sais que c'est bientôt Noël, mais vous y croyez encore ? En fait, ce ne sont que des "incitations" financières pour les médecins : 15 euros pour les spécialistes qui reçoivent sous 48h un patient adressé par un généraliste, et 5 euros pour le médecin traitant qui l'a adressé (ça fait un peu "parrainez un nouvel abonné chez truc télécoms et recevez un bon d'achat"), forfait d'aide à l'installation (50000 euros, quand même), forfait patientèle : 70 euros par patient âgé de plus de 80 ans en affection longue durée, avant même d'avoir pris sa tension au moins une fois ! , 5 euros pour tout patient de 5 à 79 ans. Même la délivrance du test de dépistage du cancer colo-rectal (une enveloppe à sortir du tiroir et un papier à tamponner) donne lieu à rémunération. 

    (2) par exemple : 82 centimes par boite de médicament figurant sur l'ordonnance, pour le service de "conseil". Qui se limite bien souvent à ré-écrire sur la boite ce qui est marqué sur l'ordonnance ! Cerise sur le gâteau, 51 centimes supplémentaires s'il y a plus de 5 médicaments remboursables sur l'ordonnance, car cela devient une "ordonnance complexe". Fichtre !

    En clair, médecins comme pharmaciens sont payés plus, juste pour faire leur travail. Que dirait-on d'un enseignant payé en plus 5 euros par copie corrigée, et 15 euros par parent reçu ?

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